dimanche 18 mai 2003

La rencontre (édition "révisée")



C’était un soir d’automne où l’hiver était en train d’investir l’air. La faible chaleur de la journée se retrouvait balayée par un vent froid, ambassadeur de la dure saison. Les feuilles mortes tourbillonnaient devant Marty en de folles danses que les voitures ne cessaient de rythmer.



Il était transi de froid et revenait du Dark Tower où il avait postulé pour être serveur. Avant de rejoindre le Corner, il décida de s’arrêter dans le premier bar venu. " Le Yancy’s ". Il entra rapidement et deux joueurs relevèrent la tête de leur partie de cartes pour aussitôt reprendre leur activité comme si de rien n’était. L’endroit était silencieux, mis à part une chanson que le vieux juke box rendait difficilement identifiable. Le patron s’occupait près de sa caisse et sa serveuse, seul symbole de jeunesse, regardait fixement la porte d’entrée.

Au mur, Marty remarqua des photos encadrées dont certaines avaient bien jauni avec le temps. Toutes représentaient des couples, de tous âges, une sorte de festival d’amour qui semblait bien singulier au vu du lieu.. Avant de s’asseoir, il regarda tous ces souvenirs aux sourires figés, emportés à jamais...

Il s’assit et commanda une chaude tasse de café.

L’ endroit semblait coupé de tout: loin des tourments de la rue et loin du temps qui passe. Il semblait être un étrange havre de paix pour le voyageur éreinté, tous ces portraits aux murs, souriants et réconfortants.. Il essuya la buée qui apparaissait sur le cadre juste à côté de lui: un couple sur la promenade au crépuscule. Un peu plus haut, un autre couple avec un enfant posait sur la place John Hope, juste devant la statue. C’était l’été, sûrement dans les années 70 à en voir leurs habits.



" Ils ne sont plus ensembles " dit soudain une voix devant lui.



Il sursauta légèrement ,se brûlant en serrant trop fort sa tasse. L’étrange personne devant lui semblait avoir surgi de nulle part. Le sourire béat de Marty disparut instantanément.

L’homme avait une coiffure poivre et sel assez volumineuse et Marty n’arrivait pas à savoir si c’était l’œuvre du vent facétieux ou s’il s’agissait d’une volonté esthétique. Ses yeux étaient d’un noir profond et semblaient le dévisager tout en donnant l’impression de regarder ailleurs.



" Nouveau en ville?

- Oui, je viens de Boston.

- Plutôt rare comme chemin. D’habitude on fait l’inverse.

- Disons alors que je préfère la discrétion, c’est mieux pour oublier, vous savez.

- Ah.. Eh bien si tu viens pour oublier, mon ami, tu n’es pas dans la bonne maison "



(à suivre)

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