Dans une autre des maisons qui l'accueillait quand le sommeil le prenait, L. venait de tomber sur une vieille photo sépia. Elle était par terre, dans une petite cassette avec quelques bijoux sans autre valeur que sentimentale. Le papier avait jauni et se gondolaient, les couleurs avaient passé à force d'avoir trop regardé le soleil. L'image était celle d'un couple qui regardait avec sérieux l'appareil. Ils posaient contre le mur d' une cour qui devait être celle de leur ferme ou de leur maison. Ils devaient avoir trente ans même si en regardant avec plus d'attention L. aurait pu tout aussi bien pu leur en donner vingt ou quarante. L'homme avait le regard perdu au loin et tenait sa femme par l'épaule avec une certaine autorité semblait-il. Quant à elle, si elle ne souriait pas, elle avait une fascinante beauté éthérée.
Etrange vestige, étrange témoignage d'une époque disparue, déformé par le prisme des années. A l'époque, la vie était en noire et blanc. Les gens ne souriaient pas et ils avaient un sérieux déstabilisant. En fixant trop longtemps l'image, L. avait même l'impression que leurs têtes se métamorphosait lentement et qu'un sinistre sourire apparaissait sur leurs visages. Ce monde d'avant était muet, sans aucun bruit aucun et peuplé d'étranges personnes (fantômes?) qui ne connaissaient pas la joie....
L. remit délicatement la photo craquelée dans la cassette, aux côtés des bijoux. Il remarqua alors que le bracelet au poignet de la femme était dans la boîte.
Malgré le temps, il n'avait pas changé. Tout au plus le fermoir qui était un peu grippé et les couleurs un peu plus ternes. Il était froid et lourd. Il le reposa lui aussi.
Quant à la femme, il ne restait plus d'elle que cette photo oubliée et une inscription.
Quelque part.
mardi 6 mai 2003
Laure et Emile Charpentier se sont mariés à l’âge de 23 ans. Tous deux nés la même année dans le même village, Laure servait les clients dans l’épicerie de la bourgade. Emile, un solide enfant du pays avait repris à son compte la ferme de son oncle. Il avait une voix posée et caverneuse qui contrastait avec le rire cristallin de Laure ce qui enchantait les plus anciens.
Leur vie était simple et joyeuse.
Elle le fut encore plus lorsque Laure apprit qu’elle attendait un enfant.
Ils organisèrent une grande fête, par un chaud dimanche d’été. Le frère de Laure descendit même quelques jours de Paris avec l’appareil à photographie de son magasin pour immortaliser l’événement. C’était la première qu’ils étaient pris en photo tous les deux. Laure mit son plus beau bijou pour l’occasion. C’était un bracelet qui appartenait autrefois à sa grand-mère et qu’elle avait juré de passer à sa fille s’il plaisait à Dieu que l’enfant en elle en soit une.
Emile s’inquiétait plutôt de l’orage qui se préparait. Tout le monde éclata d’ailleurs de rire lorsque que le flash de l’appareil coïncida avec le premier éclair qui zébra le ciel.
Chacun courut se mettre à l’abri dans une joyeuse débandade quelques instants après….
On parla pendant longtemps coin de cet orage extraordinaire qui arracha plusieurs arbres et fit déborder la paisible rivière du village…
Plusieurs mois s’écoulèrent et par un jour d'octobre qui avait tout pour être aussi anodin que les autres, le drame survint.
A la suite d’une mauvaise chute, Laure perdit son enfant. Emile, subjugué de douleur ne dit pas un mot quand le docteur lui annonça quelque jours après que les fièvres avaient emportées sa femme. Certains dirent qu'il n'avait plus de larmes pour pleurer.
Il sombra alors dans l’alcool et la mort s’installa dans son âme. Il n’était plus que l’ombre de lui même, délaissant ses bêtes et ses labours.
Un soir de novembre, alors que le vent soufflait au nord, il mit le feu à sa ferme. Nul ne sait vraiment ce qu’il advint de lui, la vérité et les opinions de chacun ne faisant pas bon ménage. Tout ce que l’on sait avec certitude, c’est que plus personne ne le revit après.
Rien ne put en être sauvé de l’incendie, excepté une petite cassette que Laure mettait derrière une pierre amovible du mur de sa chambre.
Leur vie était simple et joyeuse.
Elle le fut encore plus lorsque Laure apprit qu’elle attendait un enfant.
Ils organisèrent une grande fête, par un chaud dimanche d’été. Le frère de Laure descendit même quelques jours de Paris avec l’appareil à photographie de son magasin pour immortaliser l’événement. C’était la première qu’ils étaient pris en photo tous les deux. Laure mit son plus beau bijou pour l’occasion. C’était un bracelet qui appartenait autrefois à sa grand-mère et qu’elle avait juré de passer à sa fille s’il plaisait à Dieu que l’enfant en elle en soit une.
Emile s’inquiétait plutôt de l’orage qui se préparait. Tout le monde éclata d’ailleurs de rire lorsque que le flash de l’appareil coïncida avec le premier éclair qui zébra le ciel.
Chacun courut se mettre à l’abri dans une joyeuse débandade quelques instants après….
On parla pendant longtemps coin de cet orage extraordinaire qui arracha plusieurs arbres et fit déborder la paisible rivière du village…
Plusieurs mois s’écoulèrent et par un jour d'octobre qui avait tout pour être aussi anodin que les autres, le drame survint.
A la suite d’une mauvaise chute, Laure perdit son enfant. Emile, subjugué de douleur ne dit pas un mot quand le docteur lui annonça quelque jours après que les fièvres avaient emportées sa femme. Certains dirent qu'il n'avait plus de larmes pour pleurer.
Il sombra alors dans l’alcool et la mort s’installa dans son âme. Il n’était plus que l’ombre de lui même, délaissant ses bêtes et ses labours.
Un soir de novembre, alors que le vent soufflait au nord, il mit le feu à sa ferme. Nul ne sait vraiment ce qu’il advint de lui, la vérité et les opinions de chacun ne faisant pas bon ménage. Tout ce que l’on sait avec certitude, c’est que plus personne ne le revit après.
Rien ne put en être sauvé de l’incendie, excepté une petite cassette que Laure mettait derrière une pierre amovible du mur de sa chambre.
lundi 5 mai 2003
L'avantage de faire un beau métier, c'est qu'on côtoie de belles lettres. En écho à la la découverte de l'île des morts par L., je lui envoie ceci pour qu'il le mette dans la bibliothèque du Pays:
Je vois les reflets d'une aurore dont je ne verrai pas se lever le soleil.
Il ne me reste qu'à m'asseoir au bord de ma fosse;
après quoi, je descendrai hardiment,
le crucifix à la main, devant l'éternité.
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe
Je vois les reflets d'une aurore dont je ne verrai pas se lever le soleil.
Il ne me reste qu'à m'asseoir au bord de ma fosse;
après quoi, je descendrai hardiment,
le crucifix à la main, devant l'éternité.
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe
dimanche 4 mai 2003
C’est ce qui fait que je vais regretter ma ville. Quand le ciel nous rappelle nos après midi sans fins d’été, il y a à côté du canal, une longue promenade. Plutôt minérale, de longs et larges bancs permettent à tout moment de s’arrêter pour regarder les bateaux de plaisance. Le quai est l’endroit privilégié pour tout ce qui roule. On peut chuter en roller à peu de frais sans aucun problème.
Quand le soleil donne, comme en ce moment, les plus vieux s’y promènent en famille, les djeunzes s’essayent à quelque figure de skate qui bien souvent leur échappe. Des étudiants lisent, des collégiens goûtent aux premières sorties entre copains, les amoureux sont sur les bancs et se racontent des histoires qui n’appartiennent qu’à eux.
Et toutes ces petites scènes sont rythmées par le balai régulier des rollers qui vont et qui viennent avec la régularité d’un métronome.
Tout cela est aussi à mettre dans le petit livre de nos bons moments…
Et cette fois ce n'est pas L. qui mettra ceci dans un coin de son esprit et qui continuera sa route....
Tard le soir. L. doit être endormi dans ce monde calme et tranquille, de l'autre côté du miroir.
Je le laisse et je suis de nouveau dans ces moments de stase. La ville bouge lentement en ce samedi soir. J'écoute "Seul au monde" (BO d'Alan Silvestri) et les souvenirs reviennent, à pas feutrés mais je les entends à 10 lieux à la ronde....
Je discute en même temps avec un vieil ami que je retrouve grâce à Internet.
Passé, présent et futur se mêlent étrangement. Un subtil mélange de mélancolie, de joie et de doux souvenirs.
Mon gris compagnon est assis au garde à vous, imperturbable. Le sommeil l'engourdit et commence aussi à s'emparer de moi.
Normalement, là, je devrais trouver une citation pour conclure ce post avec panache. Mais pas ce soir.
Ce soir, ce sera juste le silence. Et les notes que je suis seul à entendre.
Je le laisse et je suis de nouveau dans ces moments de stase. La ville bouge lentement en ce samedi soir. J'écoute "Seul au monde" (BO d'Alan Silvestri) et les souvenirs reviennent, à pas feutrés mais je les entends à 10 lieux à la ronde....
Je discute en même temps avec un vieil ami que je retrouve grâce à Internet.
Passé, présent et futur se mêlent étrangement. Un subtil mélange de mélancolie, de joie et de doux souvenirs.
Mon gris compagnon est assis au garde à vous, imperturbable. Le sommeil l'engourdit et commence aussi à s'emparer de moi.
Normalement, là, je devrais trouver une citation pour conclure ce post avec panache. Mais pas ce soir.
Ce soir, ce sera juste le silence. Et les notes que je suis seul à entendre.
Never let yesterday take up too much of today.
-common saying-
-common saying-
samedi 3 mai 2003
L. était de retour dans la grande bibliothèque. Mais cette fois il n'errait pas à travers les galeries de livres.
Il était parmi les tableaux. Dans un silence uniquement troublé par ces pas qui résonnaient dans la pénombre il laissait son regard se promener d'une toile à l'autre.
Tant d'émotions prisonnières de ces huiles, tant de voyages en pensée devant ces couleurs. Tant de sentiments qui naissaient en lui quand ses yeux servaient d'entremetteurs entre son âme et ces oeuvres.
Il avait aussi la preuve qu'une hisoire pouvait être racontée sans qu'aucun mot ne soit utilisé. Steinbeck disait qu'une histoire était une bonne histoire si chacun pouvait se retrouver en elle. C'est ainsi que la Génèse était une histoire universelle, que chacun se retrouvait dans l'histoire d'Adam et Eve ou de Caïn et Abel.
En voici une autre, tout aussi universelle, que L. vient de voir et d'écouter:

Abandon hope all ye who enter here -Dante
Il était parmi les tableaux. Dans un silence uniquement troublé par ces pas qui résonnaient dans la pénombre il laissait son regard se promener d'une toile à l'autre.
Tant d'émotions prisonnières de ces huiles, tant de voyages en pensée devant ces couleurs. Tant de sentiments qui naissaient en lui quand ses yeux servaient d'entremetteurs entre son âme et ces oeuvres.
Il avait aussi la preuve qu'une hisoire pouvait être racontée sans qu'aucun mot ne soit utilisé. Steinbeck disait qu'une histoire était une bonne histoire si chacun pouvait se retrouver en elle. C'est ainsi que la Génèse était une histoire universelle, que chacun se retrouvait dans l'histoire d'Adam et Eve ou de Caïn et Abel.
En voici une autre, tout aussi universelle, que L. vient de voir et d'écouter:
Abandon hope all ye who enter here -Dante
vendredi 2 mai 2003
L. continuait son chemin. Ses pensées étaient légères et inconséquentes. Il s’arrêtait dans quelques demeures, abandonnées comme toutes celles du Territoire. La nuit perpétuelle, où plutôt le crépuscule perpétuelle l'obligeait malgré tout à dormir. Au détour de ses pensées, il vit une maison perdue à côté d'une forêt.
L'endroit était paisible et sauvage. La masse noire de la forêt surveillait la frêle habitation et un vent frais semblant venir de nulle part accompagnait les clameurs de la nuit.
L. se sentit mystérieusement attiré par l'endroit qui n'avait pourtant rien de confortable ou de vraiment accueillant. Pourtant une fois dans la maison, il s'endormit rapidement.
A son réveil, après une nuit d'un sommeil lourd et réparateur, il trouva sur une chaise cette citation qu'il commença à lire:
Now this is the law of the jungle -
As old and as true as the sky;
And the wolf that keep it may prosper,
But the wolf that shall break it may die.
Il se mit à réfléchir.
Il arrive que nous ne soyons plus humain. Nous ne sommes parfois qu’une présence, une forme creuse et vide, et en aucun cas un être pensant, au vernis superficiel de civilisation.Nous sommes une coquille vide dont la dispariton n'empêcherait en rien le monde de tourner ni la nature de s'arrêter..
Cette jungle est partout et perpétuelle.
Elle ne connaît qu'un seul principe et il divise ses sujets en deux catégories:
ceux qui sont mangés et ceux qui survivent.
Il en est tragiquement ainsi. Cette loi est sans recours. Elle ne connait aucune alternative. Elle est vide de tout autre sentiment que celui de la survie. Exempte de passion, ne connaisant ni l'amour ni la joie ou la peine. Elle est d'une pureté incorruptible, d'une universalité éternelle.
Elle remonte à l’aube des temps. Elle est la plus ancienne règle, notre plus fort instinct: la survie du plus fort.
Ou des plus forts. Rien dans cette loi ne nous empêche de s'allier, de combattre avec quelqu'un. Elle semble même le conseiller dans sa brutale énonciation:
And the strength of the pack is the wolf
And the strength of the wolf is the pack.
Seul, où peut-on aller? Seul, peut-on survivre ? Seul, pouvons-nous vraiment lutter?
Quelque peu secoué mais encore plus déterminé, L. mit donc ces mots dans son paquetage ainsi que dans un coin de son esprit et continua sa route....
Now this is the law of the jungle -
As old and as true as the sky;
And the wolf that keep it may prosper,
But the wolf that shall break it may die.
As the creeper that girdles the tree trunk,
The law runneth forward and back -
And the strength of the pack is the wolf
And the strength of the wolf is the pack.
-Rudyard Kipling
As old and as true as the sky;
And the wolf that keep it may prosper,
But the wolf that shall break it may die.
As the creeper that girdles the tree trunk,
The law runneth forward and back -
And the strength of the pack is the wolf
And the strength of the wolf is the pack.
-Rudyard Kipling
jeudi 1 mai 2003
Hier je suis retourné les voir.
Eux qui ont été des compagnons silencieux. Eux desquels j'ai parlé pendant plus d'un an, avec passion je l'espère.
Je ne sais pas s'ils m'attendaient quand je venais, mais moi je sais que c'était toujours avec un pincement au coeur que je leur rendais visite.
Chaque jour, pour raconter leurs exploits, je changeais de personne, et puis des noms ont commencer à revenir comme celui de Fontaine Matthews pour ne citer que lui. Mais ils sont tellement plus nombreux..(Norman Tewes, Claude Zanni, Richard Miller...)
Puis il y a Mary qui est là aussi, parmi eux.
Qu'il pleuve ou qu'il vente, sous le soleil d'été ou la bise d'hiver, ils sont là, silencieux, les uns à côté des autres.
La dernière fois que je les avais vu, avant d'arrêter, j'avais dit à ceux que j'accompagnais qu'ils seraient ce qui me manquerait le plus..
Ces 9 387 personnes.
Vous ne pouvez pas savoir à quel point je suis ému et heureux de vous avoir revu, les gars.
Eux qui ont été des compagnons silencieux. Eux desquels j'ai parlé pendant plus d'un an, avec passion je l'espère.
Je ne sais pas s'ils m'attendaient quand je venais, mais moi je sais que c'était toujours avec un pincement au coeur que je leur rendais visite.
Chaque jour, pour raconter leurs exploits, je changeais de personne, et puis des noms ont commencer à revenir comme celui de Fontaine Matthews pour ne citer que lui. Mais ils sont tellement plus nombreux..(Norman Tewes, Claude Zanni, Richard Miller...)
Puis il y a Mary qui est là aussi, parmi eux.
Qu'il pleuve ou qu'il vente, sous le soleil d'été ou la bise d'hiver, ils sont là, silencieux, les uns à côté des autres.
La dernière fois que je les avais vu, avant d'arrêter, j'avais dit à ceux que j'accompagnais qu'ils seraient ce qui me manquerait le plus..
Ces 9 387 personnes.
Vous ne pouvez pas savoir à quel point je suis ému et heureux de vous avoir revu, les gars.
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