Rouen. Je ne sais que dire. Et non pas parce que l'inspiration me manque. Non, ce n'est pas ça. Il est tard, très tard et tout mon repos s'est envolé, et je vais vous le dire je m'en fous.
Ce soir mes amis, mon coeur saigne. Mes larmes coulent. Dernièrement n'a pas été une période des plus drôles et ce soir l'anodin d'une recherche sur internet m'a fait basculer. Mon cool cat est à côté de moi, au garde à vous, éclairé par mon PC sur les vagues que forment ma couette.
Je me suis inscrit sur les Copains d'abord, le Facebook du pauvre, après l'avoir vu chez plusieurs personnes.
Je me suis pris au jeu et j'ai cherché ceux que je connaissais. J'ai vu des noms qui m'ont fait sourire, d'autres moins. Et pour m'amuser je cherche le nom de ma première copine. Celle qui m'a convaincu d'être prof, celle qui a toujours ce sourire magnifique quand je pense à elle. Celle à qui je dois tant, dont je relis les mots échangés dans cette double chambre étudiant au cinquième étage sans ascenceur ca sinon celà n'était pas drôle.
Je ne l'ai pas trouvée. Alors je suis allé sur Google et je l'ai vue. Elle a bien réussi.. Elle était en Ecosse, je le savais. Elle a écrit un livre sur l'éducation. Et son nom est partout. Je clique sur "images" mais je ne vois rien. Je vois même qu'il y a dans une université écossaise un prix à son nom. Et là je m'arrête. Je me réveille. Je me glace. Il y a deux inscriptions à côté de son nom: 1973-2006.
Je me redresse dans mon lit, un coup dans la figure. Je peste contre cette page qui ne s'affiche pas. Je veux savoir. Les mots apparaissent: death, passing. Ce n'est pas possible. Pas elle. Pas celle qui représente cette joie dans mon coeur, cette innocence, ces discussions sans fin, ces rires et ces chamailleries. Pas toi...
Nous étions en 3eme au Collège Balzac et c'était le genre de fille qui vous rendait fier quand elle vous faisait la bise. Puis la première, la terminale au lycée Alain à Alençon, et la fac à Caen. Elle en Anglais, moi en droit.
Je t'ai revue il y a trop longtemps pour que je m'en rappelle précisément. Ton dernier mail, je suis allé le rechercher. Ironiquement, je te parlais de 4YM qui venait redonner du soleil dans ma vie après ma première grosse rupture. Ca laisse un sale gout dans la bouche. Alors j'ai fait ce truc tout con: j'ai renvoyé ce mail à son adresse. Il n'a fallu qu'un triste battement de coeur pour recevoir la réponse automatique. La page de l'université de Paisley qui était la sienne est un "document qui ne peut s'afficher".
Tout se bouscule. Ca m'use d'avoir bientôt 35 ans mais elle ne l'atteindra jamais, elle qui était ce sourire constant et figé sur cette magnifique photo que j'ai encore. Je me demande où sont les restes de cette vie bien bohème, où tout était à faire, à tracer, à écrire. Où finalement, rien n'était bien important. Je repense à tout ce que je te dois, non pas à ce que je serais sans toi , mais surtout à qui je ne SERAIS PAS. Tout se bouscule encore. Encore et toujours. Tout est fragile, précaire, s'envole dans la nuit pour y disparaître.
J'ai écrit à l'université, puis à un professeur qui s'occupe du prix posthume qui porte ton nom. Mes mots sont irréels. J'écris que j'ai été un de tes plus proches amis, quelqu'un d'une autre vie dont elle était le pilier, et où j'avais le même rôle pour elle. Et j'écris que j'ai appris qu'elle était morte. J'ai l'impression que mes mots sont faux, que c'est une blague, que j'écris pour un de mes scénarii. Elle était une vie passée, enfuie et enfouie. Mais de ces vies dorées que l'on déterre dans ses songes quand la lune onirique est belle, quand tout est calme et que vos rêves vous ramènent vers ces périodes enchantées de l'innocence. Maintenant je suis seul à me rappeler de tout celà, Estelle. Tout seul.
J'ai cherché le numéro de tes parents, et j'appellerai demain car je veux savoir ce qui t'es arrivé. Tu étais mariée, je m'en suis rappelé en relisant le mail. Et je n'ai de toi que ce souvenir magnifié, ces instants de simples (dans leur sens le plus fort) bonheurs.
La prochaine fois que je passe à Caen, j'irais m'arrêter là où nous avons passé ces belles années que je garde au chaud dans mon coeur comme nous disions bien souvent. Je les garderai, Estelle, car je ne veux pas qu'elles s'envolent, car je ne veux pas les perdre. Elles sont là, elles battent en moi et semblent vivre plus fort maintenant que je les fais revivre. Je te le promets.
J'ai mis cette photo du lever de terre car il y avait la même ou presque dans un de tes cadres, je t'en avais fait cadeau. J'ai aussi mis le tribute que l'on peut trouver et cet abominable "2006". C'est mon au revoir à moi, Estelle. Tu vois il y a des abruti(e)s qui me demandent pourquoi j'écris ce blog. La dernière m'a dit que c'était pour me sentir exister. Elle n'a rien compris. Ce soir, c'est pour que TU existes. Pour que je grave dans cette pierre numérique ce que j'ai ressenti. Ce choc fait de la douleur de t'avoir perdu, de la joie de repenser à toi et à tout ce que tu m'as apporté. Je ne peux pas dire ça de tout le monde, loin de là. Alors dans cette chronique de ma vie sans intérêt, voilà donc cet espace qui est à toi. Je dis toujours qu'il n'y a que deux amours. Le premier et le dernier. Je prends donc Darryl et Cornelius, je prends Michel que tu m'as fait découvrir, j'y ajoute les K7, je prends ce téléphone, cette télé noir et blanc, ces pigeons, Whoopi, je prends Ca que tu avais fait tomber dans une piscine, j'y rajoute plein d'autres choses et je les mets dans le coffre que je dépose dans la terre de mes souvenirs. Je ne le regarderai pas tous les jours mais jamais, jamais je n'oublierai l'endroit où il se trouve. Et juste avant de m'en retourner, à essayer de dormir, j'y dépose un baiser. Et dans ce doux bruit j'y mets tout mon amour, toute ma joie, toute ma lumière. Je sais bien que d'autres ont fait celà avant moi, comme ton mari à qui je souhaite que ton souvenir soit fait de chaleur et non plus de tristesse. Je sais que tant de monde t'aimait. Mais on n'a jamais assez de lumière, surtout dans la nuit.
Memorial Tribute to
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