mardi 29 avril 2008
La Route.
Rouen. Les quais. Je suis sur cette Route. Laquelle? C'est une route où le voyage n'est pas visible, c'est un voyage intérieur. Un voyage au centre de soi-même. Un voyage où chaque seconde est une négociation avec son corps, quand on l'oblige à aller là où il ne veut pas, là où il vous dit cette terre n'est pas pour lui et qu'il va s'y perdre.
Cette Route est une route de vérité. Je pourrais arrêter. Il n'y aurait pas de problème, personne ne me blâmerait mais je dois avancer et tout volerait en éclat si j'abandonnais. Derrière cette vague de douleur, sous cette sueur, au delà de mes muscles tétanisés, de ce serpent qui se tord en moi il y a quelque chose. Au delà de la terre de feu qui veut me dévorer, il y a une île. Sur cette île il y a une part de moi, celle qui reste quand la volonté a disparu, quand la douleur ne me fait plus rien, quand on a enfin réussi à canaliser cette bête furieuse.
Je pensais à celà sur ce rameur. Le monde n'était plus que tempête: celle de ma respiration; Le monde n'était plus que tonnerre: celui de mes tympans. A mes côtés il y avait tous les Fiddlers du passé. Le plus imposant (au figuré) est celui de ma décennie de football américain. Il m'a fait transformer le compteur en terrain et chaque poussée de jambe m'amenait vers cet en-but imaginaire. Mon corps s'est rappelé de mes durs entrainements, de ceux où j'allais m'effondrer mais et où pourtant je continuais, quand j'entrevoyais pour la première fois cette petite île perdue dans la tempête.
Je ramais donc, avec la douleur comme compagnon, qui me provoquait, me tentait, me DEFIAIT d'arrêter refusant que j'écoute ce passé qui lui me rappelait que je pouvais "le faire", par delà-les années, par delà cette odeur de pelouse, ces placages et ces contacts. Ce ne sont pas deux personnes mais c'est une foule qui a rugi en moi et je sentais la douleur attaquer sans cesse, redoublant à l'approche de ma délivrance, à la vue de mon île de vérité.
Ces secondes durent des minutes, se transforment en une éternité, mes pensées défilent, certaines me font enrager, d'autres me donnent des ailes, certaines encore semblent se perdre dans mes mouvements mécaniques. Plus que quelques instant, encore un effort, je le sais par ce temps qui n'est plus celui de la machine mais le mien fait de contractions, de pulsions et de battements de coeur...
J'y suis.
En cette île,
En moi,
Au bout
Au bout de la Route.
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