Dans le calme silencieux de cette pièce, il tenait le Livre dans la main. Cela faisait bien longtemps que la lumière des bougies s'était enfuie vers un autre monde. Pourtant, il n'avait pas cessé sa lecture, bien au contraire. Il jouait doucement avec la reliure usée de tant de mains, dont le cuir fatigué craquait avec la régularité d'un coeur qui respire. A travers la fenêtre, il pouvait deviner la danse majestueuse de cette lune naissante.
Autour de lui le mobilier, si familier sous la lumière du jour soleil s'était mué en autant d'étranges temples, en statues immobiles et oubliées qu'il semblait découvrir pour la première fois. En un instant d'étrange communion avec l'Extérieur, il venait de découvrir d'un autre regard ce qui l'entourait. On lui avait parlé de ce regard, sans qu'il n'en saisisse l'étendue. Dehors, un oiseau s'était posé sur les branches tordues du vieil arbre. Ce fils d'Eole tritura furtivement ses ailes de son long bec et s'enfuit ensuite, appelé par ses frères.
Un sourire passa sur son visage. Il porta le livre à ses lèvres, puis à son coeur.
La marée montante des pages sur lesquelles il venait de naviguer l'avait menée à bon port, l'avait menée à ce mot "Fin" qu'il attendait et redoutait à la fois. Le plus beau des voyages ne se juge que par sa destination finale avait-il appris.
Et comme tout voyageur enfin arrivé, il contemplait son périple, celui qui l'avait mené d'une rive de cuir à l'autre, rencontrant tant de compagnons et tant de vies, riant, pleurant et chantant avec eux, pour les laisser derrière lui, plus sage de leur rencontre. Doucement, comme s'il s'agissait là d'un nouveau-né, il posa sur le vieux fauteuil, le monde qu'il avait traversé. Il caressa furtivement la vieille couverture et sourit tristement.
Il avait laissé en ce livre une partie de ce qu'il était. Il l'avait fait disparaitre dans le flot rédempteur des mots. Désormais, ll était l'Autre. Il avait changé. A jamais. Il avait compris. Enfin.
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